Les Alpes ont perdu un mois de neige en 50 ans

18 mars 2021 à 12h04 par FARGIER Emilie

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En moyenne et basse altitude, il tombe de moins en moins de flocons dans les Alpes : c’est ce que confirme l’étude publiée ce jeudi dans la revue The Cryosphere. Ce travail, le plus complet jamais réalisé sur l’évolution du manteau neigeux, utilise des données s’étalant de 1971 à 2019, et couvre l’ensemble de la chaîne montagneuse. La conclusion des chercheurs de six nationalités : en cinquante ans, la saison (entre novembre et mai) a perdu de 22 à 34 jours de neige dans les régions situées à moins de 2000 mètres d’altitude. L’article rappelle d'emblée que le changement climatique en cours dans les Alpes, et en particulier la hausse des températures et l’évolution des régimes de précipitations, affecte l’abondance de la neige.

"De moins en moins d’hivers très neigeux"

La neige au sol a tendance à apparaître plus tard en hiver et à disparaître plus tôt à l’approche du printemps» précisent les auteurs de l’étude. La réduction du nombre de jours d’enneigement est en revanche beaucoup moins forte en haute altitude. "On est pile dans l’estimation retenue dans le rapport du Giec, établie sur la base de données et d’études assez disparates. Cette nouvelle publication vient renforcer les conclusions précédentes avec une analyse beaucoup plus robuste", pointe Samuel Morin, un des quatre Français coauteurs de l’étude et directeur du Centre national de recherches météorologiques (Météo France et le CNRS).

Il précise : "Même si la tendance de fond est la même partout, il y a beaucoup de variabilité selon les régions de l’arc alpin. De plus, les hivers se suivent et ne se ressemblent pas, l’enneigement fluctue fortement d’une année à l’autre, mais sur le long terme on observe de moins en moins d’hivers très neigeux." Le travail auquel il a participé démontre aussi que l’épaisseur de la neige entre novembre et mai a diminué en moyenne de 8,4 % par décennie, avec une tendance différente selon l’altitude. Une réduction de l’enneigement qui a des conséquences sur la faune et la flore ainsi que sur le tourisme en montagne.

Fonte accélérée au printemps

Alors que les études sur les Alpes étaient jusqu’ici menées séparément par pays, trente scientifiques se sont mis autour de la table pour établir une méthodologie et une analyse commune. Pilotés par Michael Matiu et Alice Crespi, ces chercheurs à Eurac Research (centre d’observation situé à Bolzano en Italie) se sont fondés sur les données de 2 000 stations météorologiques réparties dans cinq pays européens de l’arc alpin, dont la France. Samuel Morin salue la «dimension internationale et transfrontalière» de cette étude qui «s’appuie sur des mesures d’épaisseur de neige obtenues soit manuellement avec des perches, soit avec des capteurs automatiques». La majorité des données provient de stations situées sous les 2 000 mètres. Cependant, quelques points de mesure en hauteur, dans des zones moins accessibles, permettent de dessiner les tendances pour la haute altitude.

Un phénomène est d’ailleurs observé partout dans les Alpes : il y a moins de neige au printemps. "Deux effets se combinent : à cause de l’augmentation des températures, il y a de plus en plus de pluie et moins de neige lors des précipitations, donc le manteau neigeux se constitue moins. Ensuite, il fait de plus en plus chaud à toutes les altitudes, surtout au printemps, donc la neige fond plus vite à ce moment-là", détaille Samuel Morin. Cette fonte précoce et accélérée libère l’eau plus tôt dans les rivières, mais pas forcément au moment où les écosystèmes en ont besoin, et perturbe aussi l’accès à l’eau pour la production d’électricité et pour l’agriculture.